Formation. ACCOMPAGNER LE CHANGEMENT
Concrètement que faut-il faire ?
En matière de SST, accompagner le changement doit permettre de s'assurer de la réussite de la ou des actions engagées. Ce constat posé, que fait-on concrètement ?
Pour valider, d’un point de vue SST, et de façon plus générale de QVT, un changement prévu dans l’entreprise ou une partie de celle-ci, voire au sein d’une équipe, il est intéressant d’identifier les impacts probables de ce changement à partir d’une approche systémique.
Une approche systémique de ce qui fait le travail
La notion de « travail », telle qu’elle ressort de la mise en expression de groupes de salariés (travaux de D. Vacher et Ch. Depigny), se regroupe autour des 8 items suivants. Chacun comportant un certain nombre d’attendus relatifs à :
1. Son organisation : convoque les notions de missions, tâches, partage sur les règles, information, autonomie, marges de manœuvres…
2. Ses conditions de réalisation : notions de charge de travail, délais, compétences détenues/requises, ressources, moyens, articulation avec la vie privée.
3. Les relations : convoque les notions de confiance, reconnaissance, règles du « vivre ensemble », possibilités de soutien social, émotionnel et professionnel, hiérarchique et transverse, etc.
4. Les attendus du travail : notions d’objectifs, sens et intérêt du travail, niveau de salaire, niveau de qualité et notamment de qualité empêchée (cf travaux de Yves Clot), etc.
5. Son environnement physique: notions d’agencement de l’espace, bruit, chaleur, etc.
6. Son éthique : notions d’acceptabilité des attendus et des pratiques, conflits de valeurs, etc.
7. Son environnement socio-économique : notions d’évolutions de l’entreprise, incertitudes, etc.
8. Sa nature : notions de relation avec des clients, risques pour soi et pour autrui, complexité de la tâche, technologies…
Des attentes « génériques » des salariés à confronter à leur vécu
Chacun de ces 8 facteurs suscite des attentes « génériques » de la part des employés, qui se résument souvent de la sorte :
1. Une organisation lisible dans laquelle je me situe, qui m’offre des responsabilités exercées avec les marges de manœuvres nécessaires dans un cadre de cohérence clair, où peuvent exister arrangements et souplesse gagnant-gagnant…
2. Une corrélation ressources / objectifs construite, comprise et débattue, des compétences adaptées et développées si nécessaire, des arbitrages clairs et partagés…
3. Des relations interpersonnelles courtoises, ouvertes, sans arrière-pensées, privilégiant le contact humain, pas de jugement de valeur mais des faits étayant une reconnaissance, un soutien lors des étapes clés (recrutement, changement d’emploi, etc.)
4. Une rémunération équitable en lien avec les responsabilités, une place au mérite personnel et collectif apprécié sur des faits, du sens et un niveau de qualité acceptée…
5. Des sites qui offrent un minimum de confort et d’espace privatif (possibilité de s’isoler), des temps de trajets vivables…
6. Des objectifs acceptables, des pratiques en résonance avec les valeurs des salariés…
7. Des changements anticipés, compris et perçus comme “justes” et nécessaires…
8. Ne pas risquer sa vie en la gagnant, réaliser des activités qui permettent de “se réaliser” voire de se soigner en apportant du positif, de la fierté, etc.
Concrètement construire l’accompagnement
Pour chaque item, il s’agit de confronter le projet de changement et les attendus de l’entreprise aux attentes des salariés et d’évaluer ses impacts.
Présenter un projet de changement, c’est mettre en évidence ses impacts positifs qui le légitiment et identifier ceux bien reçus par les salariés : c’est un point d’ancrage fort pour le management. Et également faire émerger ceux qui vont générer des irritants voire des freins: ils devront nécessiter des adaptations au changement prévu lorsque c’est possible; en tous cas des actions d’accompagnement au changement seront nécessaires t pour les rendre plus acceptables.
Et ce faisant, vous exercer mieux l’obligation générale de sécurité faite à l’employeur. Ne nous y trompons pas : l’absence d’analyse de l’impact d’un changement peut conduire un juge qui aurait à apprécier ses conséquences sur la santé des salariés (si un CSE porte l’affaire devant le tribunal compétent par exemple) à empêcher l’entreprise de le mettre en place pour peu qu’il soit démontré que ce changement a en définitive des caractéristiques pathogènes supérieures à l’organisation existante.
Cette expression « accompagner le changement » trouve alors, grâce à cette approche systémique une concrétisation opérationnelle.
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A RETENIR : Se poser les bonnes questions
Les questionnements suivants peuvent aider le manager à identifier les impacts d’un changement prévu. Améliore-t-il :
1. La capacité à mieux prendre en compte les attentes des salariés ? Offre-t-il de meilleures possibilités d’arbitrage pour éviter des injonctions contradictoires ? Offre-t-il plus d’autonomie et marges de manœuvre ?
2. Les temps de trajet pour se rendre au travail ? Ces trajets sont-ils plus sûrs ? Propose-t-il des progrès en termes de standards et de pratiques professionnelles ? Quid des charges de travail, des compétences nécessaires pour exercer les activités après le changement ? Quid des informations nécessaires et leur mise à disposition pour exercer l’activité ? Permet-il plus aisément de connaître et comprendre les écarts au prescrit pour anticiper des événements indésirables ? Tient-il compte du retour d’expérience et des analyses des événements disponibles dans l’entreprise ou l’équipe ?
3. Les relations interpersonnelles sont-elles renforcées, plus fluides ? Le respect au sein de l’équipe est source de soutien social, et donc de prévention des tensions et autres facteurs de stress : que devient-il ?
4. Le confort et l’adaptation de l’environnement de travail aux tâches à effectuer ? Quid de la prise en compte des irritants voire des dangers (l’ambiance thermique, le bruit, l’ergonomie…), causes « classiques » des accidents du travail ?
5. Pour le salarié l’adéquation entre « ce que je fais et ce que je sais faire ou pourrais faire », source de responsabilisation et d’épanouissement au travail, facteur d’équilibre et de bien-être et a donc de meilleure santé sécurité au travail ?
6. Les objectifs et le sens qui s’y rattache ? Quid de la qualité et notamment de la qualité empêchée source de tensions vives ? Quid de la rémunération ?
7. L’acceptabilité morale et réglementaire ?
8. La réponse à la question que chaque salarié (y compris le manager…) se pose à chaque changement : « Et moi dans tout ça, qu’est-ce que je deviens ? ». En cas de licenciement, comment prend-on en compte la gestion des 3 populations à risque : ceux qui partent, ceux qui restent et leurs managers (cf. travaux de l’association Astrées et le rapport Hire16) ?
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A RETENIR
L’absence d’analyse de l’impact d’un changement peut conduire un juge qui aurait à apprécier ses conséquences sur la santé des salariés à empêcher l’entreprise de le mettre en place s’il est démontré que ce changement a en définitive des caractéristiques pathogènes supérieures à l’organisation existante.