DU : Une dématérialisation impossible ?

La dématérialisation du Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) et la mise en place d’un portail numérique dédié sont de véritables serpents de mer… En effet, cette mesure, qui devrait permettre aux travailleurs d'accéder aux versions successives dudit DUERP, semble s’éloigner pour des raisons financières et logistiques…
C’est d’ailleurs ce que constatent les députés Nathalie Colin-Oesterlé et Sébastien Delogu, dans leur rapport d'application de la loi santé au travail présenté le 19 février dernier. Les élus y soulignent que bien que l'idée d'un portail numérique ait été envisagée, sa mise en œuvre, trop coûteuse, pourrait induire l’abandon pure et simple du l’accès dématérialisé. Notamment pour des raisons financières : avec des coûts estimés à 7,5 millions d'euros pour l'investissement initial et 4,4 millions d'euros de fonctionnement annuels. Sans oublier des questions de gestion des informations sensibles…
A l’origine du projet de dématérialisation du DUERP, on trouve l'accord national interprofessionnel (ANI) du 10 décembre 2020, dans lequel les partenaires sociaux attribuaient au DUERP une nouvelle mission : faciliter la traçabilité des expositions professionnelles aux agents chimiques dangereux, notamment les substances cancérogènes. Objectif intégré dans la loi du 2 août 2021 qui stipulait que les employeurs doivent conserver les versions successives du DUERP pendant 40 ans et les transmettre aux services de santé au travail (SPST) à chaque mise à jour.
Nombreux obstacles
Depuis le projet de création d'un portail numérique pour centraliser ces documents a rencontré plusieurs obstacles. En juin 2022, la Direction générale du travail (DGT) a, par exemple, rejeté la proposition de cahier des charges sur le portail, la jugeant non opérationnelle. Par ailleurs, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), consultée par la DGT, a recommandé, en décembre 2023, l'abandon du projet de portail numérique et proposé que les SPST prennent en charge l'accès aux DUERP pour les travailleurs ayant quitté leur entreprise, tandis que les entreprises seraient responsables de la communication des documents aux travailleurs actifs.
En parallèle, un décret du 18 mars 2022 impose aux entreprises d'envoyer les mises à jour du DUERP aux SPST, et d'élargir l'accès à l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail. Toutefois, les chiffres montrent que très peu d'entreprises respectent cette obligation : seulement 5,2 % en 2023, un chiffre bien en deçà des attentes.
Finalement, même si l'objectif d'assurer l'accès aux DUERP reste prioritaire, la mise en place d'un portail numérique serait financièrement irréaliste. Le gouvernement et tous les acteurs concernés vont devoir rechercher des alternatives pratiques afin de garantir cet accès pourtant essentiel en matière de traçabilité des risques professionnels.
Photo d’illustration © Getty Images