Prévention et SST. Le rapport Lecocq sur la SST ne fait pas l’unanimité. On pouvait s'en douter…
Remis il y a quelques semaines, le rapport Lecocq sur la santé au travail a suscité de nombreuses réactions. Du pour et du contre. Petit aperçu.
Pour certains, comme les syndicats CGT, FO ou Unsa, ce rapport « manque d’ambition », risque de déresponsabiliser les entreprises, va manquer de moyens… D’autres, comme la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps), y voient des points positifs qui vont dans le bon sens. D’autres encore, comme le réseau national Présanse, auquel adhèrent les quelque 240 services de santé au travail interentreprises (SSTI), se réjouissent d’y voir que « les objectifs de simplicité, de lisibilité, d’innovation, d’efficacité pour développer la prévention, dans une approche qui allie santé des salariés et performance de l’entreprise », défendus par Présanse depuis de nombreuses années, y figurent, tout en se montrant prudent avec le « scénario centralisateur proposé » au niveau régional, demandant à ce qu'il soit « approfondi d'un point de vue opérationnel pour en apprécier la faisabilité et donc la pertinence au regard des objectifs visés ». Présanse rappelle également la volonté des SSTI, de leurs représentations régionales et nationale, de pouvoir participer à la construction d'un nouveau dispositif.
Les syndicats vent debout
Par exemple, la CGT met en garde, dans un communiqué, contre le regroupement des différents acteurs de la prévention des risques professionnels. Elle craint une dégradation du service : « Nous avons trop d'exemples en France d'institutions fusionnées avec des moyens réduits qui sont devenues des lieux de souffrance au travail avec pour conséquence une dégradation du service rendu. »De son côté, Force ouvrière, tient à rappeler que « si la prévention doit être une priorité absolue pour laquelle les interlocuteurs sociaux sont mobilisés, elle doit rester de la responsabilité de l'employeur et ne peut, au motif de fusion des acteurs et des instances et d'universalisation, être transférée à chaque travailleur ». Le syndicat craint aussi que « la fusion des différents acteurs concourant à la prévention de la santé au travail au sein d'une unique instance tripartite » ne devienne « un outil aux mains du gouvernement pour mettre à mort la gouvernance paritaire ». Enfin, la CFDT est plus modérée dans ses réactions. Pour elle, le nouveau cadre proposé par le rapport Lecocq ouvrirait « des perspectives pour répondre (aux) enjeux. À la condition toutefois que les partenaires sociaux puissent jouer pleinement leur rôle, tant au niveau national que régional ».
Des médecins divisés
Pour le docteur Gilles Seitz, animateur du collectif de médecins du travail de l'Ugict-CGT (cadres et techniciens), « ce rapport est catastrophique en matière de prévention ». Selon le médecin du travail, qui a bien voulu répondre à nos questions, « avec ce rapport, on reste dans la gestion des risques professionnels, au lieu de réfléchir sur la prévention. On va directement vers une sélection des salariés par l’aptitude alors que, selon moi, il faudrait adapter le poste au travailleur ».
Au-delà de ces réactions, rappelons que le contenu du rapport sera soumis à discussion, avec les partenaires sociaux, comme l’avait précisé Matignon lors de la remise du document au Premier ministre.
> Réactions
- Pour mais… David Mahé, secrétaire général de la * Fédération des intervenants en risques psychosociaux.
« Tout d’abord, on ne peut que se réjouir que la santé au travail soit inscrite dans l’agenda de nos gouvernants. Je partage tout à fait le constat général fait par le rapport Lecocq : l’organisation générale de la SST ne peut être qu’améliorée, optimisée, et doit l’être. Il me paraît – comme le propose ce document – très pertinent de vouloir mutualiser les moyens et je ne peux qu’adhérer au principe du guichet unique. Par ailleurs, on ne peut que se réjouir de la proposition qui permettrait de séparer clairement les rôles en la prévention et le contrôle. Voilà pour les aspects généraux. Si on se place du point de vue de la Firps, le focus fait dans le rapport sur les RPS est une bonne surprise. Il y a cependant, dans ce document, quelques angles morts. Nulle part n’y est abordé la mesure de la santé au travail et la mesure de ses coûts. On ne pourrait que souhaiter une grande enquête nationale, lancée par les pouvoirs publics – dans le cadre d’un observatoire national indiscutable – pour mener à bien cette étude. Cette évaluation des coûts serait aussi un bon moyen de motiver les entreprises en leur démontrant l’intérêt économique qu’il y a à investir dans la SST. Par ailleurs, nulle part, on n’évoque de réelles solutions pour trouver une réponse à la crise que traverse la médecine du travail qui risque, sous peu, de disparaître complètement, faute de médecins…»
- Vraiment contre… Docteur Gilles Seitz, animateur du collectif de médecins du travail de l'Ugict-CGT
« Ce rapport est dans la droite ligne de tous les projets et autres rapports qui ont eu pour objet l’évolution de la santé et sécurité au travail, de la prévention des risques et de la médecine du travail. C’est une catastrophe. Tout d’abord parce qu’il crée une médecine du travail hors sol puisqu’il supprime la périodicité des visites. Par ailleurs, il instaure une inversion totale du droit français pour l’assujettir aux normes européennes et met au centre de la santé et sécurité au travail la normalisation qui détruit le Code du travail. Tout est fait dans ce rapport pour aller dans le sens de la compétitivité des entreprises au détriment du salarié. Si on ajoute à cela la mort annoncée du document unique d’évaluation des risques ou la création d’une structure régionale, ce fameux guichet unique qui ne sera que la courroie de transmission dédiée à l’application de politiques santé et sécurité au travail décidées à Paris, on comprend que l’adjectif de catastrophique n’est pas trop fort.