Covid. Une reprise compliquée et anxiogène
Dans la crainte d’une seconde vague du virus, le ministère du Travail a donc imposé de nouvelles règles sanitaires aux entreprises, dont le port du masque. Les préventeurs doivent donc adapter les mesures mises en place dans leur entreprise afin de rassurer les collaborateurs et leur permettre de retourner au travail en toute sécurité…
Ces nouvelles mesures viennent ainsi s’ajouter à celles déjà imposées aux entreprises. Comme celle qui recommande aux employeurs de constituer un stock préventif de masques de protection de dix semaines. En cette période complexe, les préventeurs sont donc au coeur de la lutte contre le Coronavirus. Et ce n’est pas toujours simple. « Nous traversons une phase d’incertitude, un peu anxiogène, reconnaît Frédéric Ungaro, directeur associé de Nudge Me. Incertitude qui touche non seulement nos gouvernants mais aussi les chefs d’entreprises, leurs salariés et les professionnels de la prévention des risques. D’autant que de nombreuses entreprises n’avaient jamais eu à faire face, avant la Covid-19, au risque biologique. Un risque particulièrement difficile à appréhender. » Avant d’ajouter : « Incertitude aggravée par le fait que de bon nombre d'employeurs, de dirigeants et même de préventeurs ont manqué d’assistance et d’aide de la part des politiques : manque d’information sur les typologies d’EPI, sur les précautions à prendre… »
Pas toutes égales devant le virus
Si certaines entreprises ont pu réagir vite et faire face efficacement à la menace, d’autres ont eu plus de mal. « Nous ne sommes pas tous égaux devant ce type de crise, reconnaît Joseph Cantatore, directeur santé prévention sécurité groupe chez NGE. Chez NGE, nous avons su réagir vite en mettant en place rapidement une cellule de crise. Nous avons aussi pu compter, encore aujourd’hui d’ailleurs, sur le soutien de réseau comme le Gepi (pas de lien) ou d’organismes comme l’OPPBTP. Après avoir géré le confinement, notre agilité nous a permis d’organiser la reprise de l’activité, pas à pas. Mais le retour au travail ne se fait pas aussi facilement qu’on le pense car certains de nos collaborateurs, dans le contexte actuel, craignent encore pour leur santé et celle de leurs proches. À nous de les rassurer en revoyant notre organisation du travail, en imposant le port du masque dans les bureaux partagés, les lieux de pauses… »
Pour Luc Decosse, administrateur Giphise : « Pour rassurer leurs salariés, les entreprises doivent évaluer les risques liés au Coronavirus afin de faire en sorte que le salarié se sente protégé de la même manière que pour les TMS ou le risque CMR. Les entreprises doivent absolument intégrer le risque biologique dans leur Document unique d'évacuation des risques (DUER)… pour que la Covid-19 devienne un risque biologique comme les autres, maîtrisé comme les autres. »
Des SST pas si absents…
Certains ont reproché, durant la crise, le relatif effacement des services de santé au travail. Reproche pour beaucoup injuste. Alexis Corradi, directeur adjoint du service de santé au travail Expertis, spécialisé dans l'industrie, souligne l'engagement de ses équipes durant cette période : « Dans l'attente d'obtenir le matériel permettant à nos professionnels de recevoir à nouveau les salariés des entreprises adhérentes en sécurité (masques, gel, etc.), nous avons mis en place une permanence et rapidement des moyens de consultation à distance et de téléconsultation ont été déployés. Pour répondre aux besoins des établissements stratégiques ou essentiels aux activités de la Nation, l'organisation du travail de nos équipes a également été temporairement adaptée. Une cellule pluridisciplinaire d'appui aux entreprises a été constituée afin de conseiller employeurs et salariés pour leur fournir les informations réglementaires, partager les bonnes pratiques ou les aider dans le choix des équipements de protection. Des webinaires sur ces sujets ont notamment été proposés. Nous poursuivons depuis le déconfinement notre mission pour accompagner nos adhérents dans la poursuite de leur activité et réfléchir avec eux à l'impact qu'a eu cette crise sur leurs organisations. »
Enfin, pour Luc Decosse, cette crise doit être l’occasion de se saisir à bras le corps du PCA (plan de continuité d’activité) : « Les entreprises doivent profiter de ce moment pour faire un bilan de leur PCA et ce qu’il doit recouvrir : la trésorerie pour acheter les moyens de protection, les procédures pour continuer à travailler, les filières fiables d’approvisionnement en matériel… Beaucoup n’ont pas tiré les conséquences du H1N1 comme nous avions évité la crise. La vigilance était retombée. La Covid-19 nous a rappelés à l’ordre et nous a montré que nous n’étions pas prêts à gérer une telle crise. Espérons que la leçon a porté ses fruits… »
- Retrouvez l’intégralité de cet article dans PIC 125 (novembre-décembre 2020).
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