AT/MP . La rente accident du travail ne répare pas le déficit fonctionnel permanent
La chambre criminelle, après la deuxième chambre civile, se rallie à la position prise par l'assemblée plénière de la Cour de cassation en janvier 2023.
Une cour d’appel énonce qu'en l'absence de pertes de gains professionnels futurs (PGPF) ou d'incidence professionnelle (IP), la rente « accident du travail » (AT) perçue par la victime doit s’imputer sur le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent (DFP) qu’elle indemnise nécessairement. Elle ajoute qu'en présence de PGPF et d’IP, le reliquat éventuel de la rente ne peut s'imputer que sur le DFP, s'il existe.
Son arrêt est cassé pour méconnaissance du principe de la réparation intégrale du préjudice et de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale précisant le mode de calcul de la rente AT. Il en résulte que celle-ci a « pour objet de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime au titre de ses pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle », de sorte que le recours des caisses ne saurait s'exercer sur le DFP qu’elle ne répare pas.
> Remarque : en janvier 2023, l’assemblée plénière de la Cour de cassation, revenant sur la position prise par les autres formations, a jugé que la rente accident du travail n’indemnisait pas le déficit fonctionnel permanent (Cass. ass. plén., 20 janv. 2023, n° 20-23.673, n° 662 B + R ; Cass. ass. plén., 20 janv. 2023, n° 21-23.947, n° 663 B + R : RGDA mars 2023, n° RGA201e9 ). Ces arrêts, rendus en matière de faute inexcusable de l’employeur, ont également vocation à s’appliquer en droit commun de la réparation (Cass. 2e civ., 15 juin 2023, n° 21-24.898, n° 637 D) et aux autres prestations que la rente AT s’imputant sur les postes de préjudice économiques, tels que la pension d’invalidité (Cass. 2e civ., 6 juill. 2023, n° 21-24.283, n° 777 B). Par voie de conséquence, la chambre criminelle de la Cour de cassation se rallie en l’espèce à cette solution. Dans son pourvoi, la victime indiquait également que « les juges du fond ne peuvent valablement considérer que l'indemnisation de la PGPF sur la base d'une rente viagère d'une victime privée de toute activité professionnelle pour l'avenir fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l'IP ». Ce moyen n’a pas été abordé, mais pouvait aboutir à une cassation, car si la victime définitivement exclue du monde du travail ne subit pas de pénibilité accrue au travail, elle peut demander réparation, au titre de l’IP, de la dévalorisation sociale ressentie par elle à la suite de cette exclusion (Cass. 2e civ., 6 mai 2021, n° 19-23.173, n° 383 P + R ; Cass. 2e civ., 16 déc. 2021, n° 20-12.040, n° 1269 D ; Cass. crim., 6 sept. 2022, n° 21-87.172, n° 1029 D ; Cass. crim., 18 oct. 2022, n° 21-86.346, n° 1279 D ; Cass. 2e civ., 9 mars 2023, n° 21-19.322, n° 241 D).
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Cass. 2e civ., 25 janv. 2024, n° 22-17.009, n° 79 D
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