AT/MP. Les souffrances physiques et morales ouvrent droit à une réparation distincte
La Cour de cassation a rappelé qu’un salarié victime d’une faute inexcusable peut bénéficier d’une réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales induites.
Dans un arrêt du 28 septembre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la victime d'une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales que la rente ou l'indemnité en capital n'ont pas pour objet d'indemniser. Elle retient des exemples de ces souffrances.
Une salariée, employée en qualité de piqueuse de 1964 à 1991, voit sa pathologie prise en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. Tableau qui décrit le cancer bronco-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante.
Après son décès des suites de cette maladie en janvier 2017, son fils saisit la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
L'absence de préjudice professionnel
Pour échapper au versement d'une indemnisation supplémentaire, l'employeur avait tenté d'argumenter autour de l'absence de préjudice professionnel.
Il estimait, en effet, que la victime étant déjà à la retraite depuis plusieurs années lors de l'apparition de la maladie, son affection n'avait pu avoir aucune incidence professionnelle. Ainsi, la rente qui lui était versée au titre de la maladie indemnisait donc nécessairement son déficit fonctionnel permanent.
Le rappel de la position de la Cour depuis son revirement
La Cour de cassation rappelle le principe dégagé lors de son revirement de jurisprudence du 20 janvier 2023 : la rente ou l'indemnité en capital versée à la victime d'un AT/MP ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cass., ass. plén., 20 janv. 2023, n° 21-23.947 B+R ; Cass., ass. plén., 20 janv. 2023, n° 20-23.673 B+R).
Ainsi, la victime d'une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées que la rente ou l'indemnité en capital n'ont pas pour objet d'indemniser.
> La Cour approuve les juges du fond d'avoir retenu que :
- l'existence de souffrances morales est déduite de la conscience qu'avait la salariée de sa perte totale d'autonomie jusqu'à son décès prématuré dont elle a redouté la survenue et son sentiment d'injustice en raison du lien entre la maladie et son activité professionnelle ;
- la nature de la pathologie, particulièrement douloureuse, les soins chimiothérapiques, les hospitalisations subies, la dyspnée sévère et l'altération de son état général justifient l'indemnisation accordée au titre des préjudices physiques.
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A RETENIR
Le gouvernement entend revenir sur ce revirement de jurisprudence à travers l'article 39 du PLFSS pour 2024.
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